Technique vs éthique du diagnostiqueur

17 juillet, 2024

Certification et formation, Enquêtes et études

CYCLE DE CERTIFICATION 2024 ET FIABILISATION DU DPE

Dès juillet 2024, pour réaliser des DPE, le diagnostiqueur certifié sans mention devra passer, sur les 7 années de cycle de certification initiale :
  • 1 tutorat (1re année) ;
  • 3 contrôles sur ouvrage / CSO (1re, 3e, 5e année) ;
  • 28 heures de formation continue (7 heures par an, les 2e, 3e, 5e année) ;
  • 3 contrôles documentaires (2e, 4e, 6e année).
Au préalable, il aura suivi une formation initiale de 56 heures et passé des examens. Au bout de 7 ans, pour continuer à travailler, rebelote : 3 CSO, 28 heures de formation continue, etc. S’il veut réaliser des audits énergétiques, il devra prévoir 3 CSO, 35 heures de formation continue et 3 contrôles documentaires supplémentaires, après une formation initiale de 70 heures.

Faut-il rappeler que le diagnostiqueur paiera ces formations et contrôles de sa poche outre la perte du chiffre d’affaires que tout ceci engendre ? De plus, comme il ne réalise pas que des DPE et des audits, s’y ajoutent les frais de formation et de certification dans les 5 autres domaines (amiante, plomb, gaz, électricité, termites).

ÉTHIQUE DU DIAGNOSTIQUEUR ET DPE

Décidément, n’importe qui ne peut pas devenir diagnostiqueur. Année après année, l’accès au métier se durcit, dans un contexte concurrentiel tendu. Mais est-ce pour autant la fin des DPE de complaisance ou des étiquettes DPE à géométrie variable selon l’opérateur ? En fait, tout ce dispositif vise à améliorer les compétences techniques du professionnel, sauf que ce n’est pas ce qui gangrène la filière. La fiabilité du DPE dépend également, entre autres :
  • des documents transmis par le propriétaire pour les données d’entrée ;
  • du temps consacré au DPE, avec un prix à la hauteur de l’effort fourni ;
  • du respect de l’obligation d’indépendance et d’impartialité;
  • de la compréhension des évolutions réglementaires relatives au DPE.
Nous sommes convaincus qu’il y a peu de fraudeurs parmi les diagnostiqueurs. Oui, hélas, il existe des usurpateurs de certification. Il y a aussi des techniciens mal formés. Toutefois, en général, le fraudeur sait réaliser un DPE conforme à la réglementation. C’est l’éthique qui lui fait défaut, non la technique.  Par ailleurs, tous les ODI réalisent des diagnostics dans un contexte qui favorise les dérapages et les erreurs.

FRAUDES ET RESPONSABILITÉ DES PARTIES PRENANTES

Certains gros réseaux d’agences immobilières proposent des partenariats douteux. Le technicien, débutant surtout, est susceptible de les accepter parce qu’il veut des contrats à tout prix. Trop souvent, on demande au diagnostiqueur d’intervenir en urgence, alors qu’il a de plus en plus de travail administratif à gérer en amont. Là aussi, ça va aller en augmentant avec l’ajout de l’identifiant fiscal et du formulaire de consentement.

En réalité, le professionnel de l’immobilier ne veut parfois que le bout de papier obligatoire pour vendre ou louer. Côté particulier, rares sont ceux qui préparent et comprennent leur DPE. Quand le client et le prescripteur privilégient le prix et la rapidité au détriment de la qualité, cette dernière se dégrade inévitablement. Par ailleurs, pour obtenir un DPE de complaisance, il faut chercher l’escroc prêt à frauder.

Enfin, au niveau réglementaire, intégrer de nouvelles obligations sans fournir d’explicationsn’arrange rien. Par exemple, la surface de référence, sujette à interprétations, entre en vigueur avant la publication du nouveau guide DPE. On ajoute des éléments au rapport d’audit énergétique — croquis, intégration du bien dans son environnement… — sans mettre à jour le guide sur l’audit, etc. Bref, tout se fait trop vite et de manière chaotique.

RÉPRESSION DES FRAUDES ET DIAGNOSTICS

Le margoulin finira par fermer sa société de diagnostics. Entre le coût des formations, ses tarifs ridiculement bas et sa responsabilité en cas de diag erroné, il n’a aucune chance de perdurer. Néanmoins, avant de disparaître, il aura fait parler de lui dans le Parisien, Que Choisir ou 60 millions de consommateurs. Il contribuera alors au déficit de confiance des ménages vis-à-vis des diagnostiqueurs et à la méfiance des assureurs.

Comment l’arrêter avant qu’arrivent le litige et la faillite ? Autrement dit, de quels moyens dispose-t-on pour l’empêcher d’être diagnostiqueur ? Les contrôles applicables à l’audit depuis le 1er juillet 2024 prévoient, en l’absence de certification, un retrait de la certification avec info transmise à la DGCCRF. La même mesure s’applique au DPE (arrêté du 20 juillet 2023, annexe I, 2.5.5). Encore heureux ! Oui, mais…

D’une part, la majorité des diagnostiqueurs contrôlés par la répression des fraudes se voient reprocher des écarts moins graves. On les titille, par exemple, pour des prix non affichés en vitrine. D’autre part, la décision de la Cour d’appel de Nîmes, le 6 juin 2024 (RG n°23/03701), montre que « la seule sanction prévue au défaut d’habilitation d’un diagnostiqueur immobilier est une sanction pénale contraventionnelle », c’est-à-dire une vulgaire amende.

IMPOSER UNE ÉTHIQUE DÉONTOLOGIQUE

Il faut évidemment trouver des solutions pour garantir une déontologie. Cela peut passer par un renforcement des sanctions quand le diagnostiqueur ne respecte pas les trois exigences fondamentales : compétences, organisation et moyens, indépendance et impartialité, assurance RC Pro. Certains défendent l’instauration d’un prix plancher, mais le fraudeur en bénéficierait. Il continuerait à faire des DPE bidon tout en étant mieux payé.

Dans tous les cas, la vigilance doit être collective, ce qui signifie que chacun doit contribuer à la qualité des DPE et, de manière générale, des diagnostics. Il faut permettre au professionnel de travailler dans de bonnes conditions, lui fournir les données techniques du bâtiment et les informations requises, et comprendre l’importance du dossier de diagnostic technique au-delà de la signature du contrat de vente ou du bail.

Sinon, la seule issue nous semble être d’instaurer enfin des diagnostics périodiques, notamment pour supprimer le conflit d’intérêts. En tout cas, tant que les diagnostics techniques seront perçus comme une contrainte voire une sanction, et le diagnostiqueur sérieux comme un empêcheur de tourner en rond, les mauvaises pratiques perdureront. Les 198 heures de formation sur 7 ans, nécessaires pour réaliser des DPE et des audits à compter de juillet 2024, ne résoudront pas ces anomalies-là.


Extrait du site Quotidiag le 17/07/2024
https://www.quotidiag.fr/technique-vs-ethique-du-diagnostiqueur/

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