Faut-il réglementer les tarifs des diagnostics ?

19 janvier, 2023

Enquêtes et études

VOYAGE DANS LE PASSÉ DU DIAGNOSTIC IMMOBILIER

Rappelez-vous de la question écrite n°07143 de Mme Béatrice Descamps (Nord – UMP) publiée au JO Sénat du 22 janvier 2009. La députée attire l’attention de Mme la ministre du Logement d’alors, Christine Boutin, sur « les dérives que peut connaître le secteur du diagnostic immobilier ». Elle cite notamment « la tarification pratiquée » ainsi que « certaines pratiques déloyales ».
Le ministère chargé du Logement lui répond le 13 mars 2009. D’après sa représentante, cette profession est régie par le Code du commerce et les prix pratiqués par ses membres doivent donc être libres. Dans la foulée, la ministre insiste sur l’impossibilité d’interdire la pratique ducommissionnement. Et pourtant, le versement des commissions a été interdit par décret en 2010. Plus de 13 ans après, la tarification des diagnostics peut-elle aussi évoluer ?

PARADOXE DE LA LIBERTÉ DES PRIX ET DE LA CONCURRENCE

En 2009, les pouvoirs publics comptaient sur le nouveau dispositif de certification et de surveillance pour assainir une filière encore jeune. La situation est différente aujourd’hui. Il paraît tout à fait envisageable, en 2023, de revenir sur ce principe de liberté tarifaire. Certes, en théorie, le consommateur peut ainsi mettre en concurrence les techniciens et bénéficier de prix compétitifs. Mais ce jeu concurrentiel encourage la réalisation de diagnostics réalisés à la va-vite et payés au lance-pierre.

Il en résulte des risques sanitaires (amiante non détecté, installation de gaz dangereuse, etc.), et des litiges coûteux. En outre, des diagnostiqueurs consciencieux en arrivent à fermer boutique faute de rentabilité économique. Avec le nouveau DPE opposable, l’incohérence entre les tarifs pratiqués et l’étendue de la mission devient encore plus évidente. Le diagnostiqueur doit passer davantage de temps sur place pour recueillir toutes les données nécessaires. Sa responsabilité est accrue. En outre, la loi Climat et Résilience oblige les ODI à faire preuve de pédagogie.

QUI CASSE LES TARIFS DES DIAGNOSTICS ?

Les responsables des tarifs cassés se résument essentiellement à deux catégories d’acteurs. D’un côté, des plateformes de commandes en ligne proposent « les meilleurs prix pour vos diagnostics immobiliers ». Leurs tarifs dérisoires séduisent des particuliers qui méconnaissent l’importance des enjeux sanitaires et environnementaux du DDT. Il existe même de véritables réseaux de diagnostics low cost, qui profitent de l’ignorance de leurs clients.

De l’autre, des diagnostiqueurs débutants essaient de se faire connaître avec des prix bas. Tel diagnostiqueur solo, doté de très peu d’expérience pratique, tient malgré tout à se trouver une clientèle. Le dumping lui permet alors de faire face à la concurrence. Il  prévoit parfois d’augmenter ses prix ultérieurement, quand il aura assez de volume… Mais souvent en vain. Le raisonnement est limpide : « si j’augmente les tarifs, le client ira voir ailleurs ». Quoi qu’il en soit, ce cercle vicieux tire la filière vers le bas. Cette conséquence-là est incontestable.

EST-IL POSSIBLE D’ENCADRER LES PRIX DES DIAGNOSTICS ?

L’article L.420-4 du Code du commerce permet d’échapper aux prix fixés par le libre jeu du marché en cas de comportements dits abusifs. Les prix trop bas, notamment par rapport aux coûts de production (prix prédateurs), sont interdits quand la pratique est anticoncurrentielle. De manière générale, les pouvoirs publics sont susceptibles d’accepter l’instauration d’un prix plancher.

En effet :

  • Les diagnostics immobiliers, avec le DPE, n’ont jamais eu autant d’importance,
  • La filière du diagnostic s’est professionnalisée et a gagné en maturité,
  • Des associations de consommateurs souhaitent réglementer le prix du DPE.


Dans le cadre de l’éventuelle carte D, la CDI FNAIM a d’ailleurs défendu la solution du prix plancher. La fédération Fed Experts réclame aussi la mise en place de tarifs planchers.

MAIS COMMENT L’ÉTABLIR, CE TARIF PLANCHER ?

L’une des difficultés consiste à trouver un tarif minimum qui fait consensus. Il faut envisager de prendre en compte divers éléments :

  • La typologie du bâtiment, ses caractéristiques, sa surface ;
  • La prestation (DPE, amiante, plomb…):
  • Le temps de transport, le carburant, etc. ;
  • Le périmètre géographique ;
  • L’importance du travail administratif après la mission.


La variabilité actuelle du tarif horaire en dit déjà long sur les difficultés à établir un prix plancher satisfaisant.
Au fait, et le propriétaire, comment réagirait-il ? À dire vrai, les propriétaires, surtout vendeurs et bailleurs, sont déjà de plus en plus sensibles au DPE. Bientôt, l’audit énergétique réglementaire va également les préoccuper. Ils sont donc peut-être prêts, désormais, à payer plus cher pour un diagnostic assurément fiable.

PRIX PLANCHER ET CONSCIENCE PROFESSIONNELLE

Est-ce que le prix réglementé suffira pour distinguer les professionnels les plus consciencieux des autres ? Ce n’est pas certain puisque la marge tarifaire des opérateurs les moins sérieux pourrait aussi augmenter. Mais c’est une action possible en complément d’autres mesures déjà envisagées, voire plébiscitées (formation pratique augmentée, surveillance accrue, etc.).

La mise en place des diagnostics immobiliers périodiques pourrait aussi changer la donne. Les rapports seraient alors réédités et payés à date fixe. Le client ne serait plus uniquement animé par la crainte de ne pas pouvoir vendre ou louer au meilleur prix. La mission du diagnostiqueur aurait davantage de sens pour lui. En général, la relation de confiance entre le particulier et l’opérateur pourrait jouer sur la rentabilité des missions de diagnostic.


Extrait du site Quotidiag le 19/01/2023
https://www.quotidiag.fr/faut-il-reglementer-les-tarifs-des-diagnostics/

Nos derniers articles

Partagez l'article sur les réseaux